Quelques pépites dans les fonds anciens...




Promenade patrimoniale dans le Jardin de santé de Jean de Cuba…


L’ « Ortus sanitatis translate de latin en francois », autrement dit le Jardin de santé, édité à
 Paris par Antoine Vérard vers 1500 est un traité médical, également considéré comme la dernière grande encyclopédie du Moyen Age. Attribué généralement à un médecin allemand, Jean de Cuba, ce document est intéressant à plusieurs titres.
- Abondamment illustré de bois gravés, il atteste des évolutions de l’imprimerie toute récente et constitue une prouesse technique.
- Selon les linguistes, il est par ailleurs essentiel à l’histoire du moyen français, puisque l’on y trouve les premières attestations de nombreux mots savants et techniques que les dictionnaires situent bien plus tard dans le siècle[1].
- Il date par ailleurs d’une période charnière, période de transition entre le Moyen âge et les Temps Modernes. En ce qui concerne son contenu, il n’est pas en avance sur son temps, puisqu’il établit une synthèse des connaissances relatives aux règnes végétal, animal et minéral accumulées depuis Hippocrate (Ve s. av. J.C.), soit pendant deux-mille ans. Sur la forme par contre, il semble annonciateur des Temps Modernes : ce document imprimé et illustré a été largement diffusé. Edité en français, il est révélateur du passage du savoir du domaine latin au domaine vernaculaire, d’un soucis de transmettre des connaissances, d’une volonté de vulgariser la matière médicale.
Peu étudié jusqu’à la fin du XXe siècle, le Jardin de santé est depuis quelques années l’objet d’études menées par deux centres de recherches en particulier :
- Le Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales (craham), rattaché à l’Université de Caen Basse-Normandie, qui édite le traité des poissons, De piscibus, de l’Hortus sanitatis, en lien avec l’ « Atelier Vincent de Beauvais » (Université de Nancy 2), et a organisé deux journées d’étude intitulées « Autour de l’Hortus sanitatis : médecine et sciences naturelles au début du livre imprimé », avec le centre Michel de Bouard, les 24 et 25 novembre 2011 à l’Université de Caen Basse-Normandie[2].
- Le Centre d'études des textes médiévaux (CETM) de l’Université Rennes 2 Haute Bretagne et Denis Hüe, professeur de langue et littérature du Moyen-Age et de la Renaissance au sein de cette même université, qui a été le premier à consacrer un article au Jardin de santé[3], s’appuyant sur des mémoires de maîtrise qu’il a dirigés[4], et a depuis apporté son éclairage sur un autre pan de l’ouvrage : le lapidaire[5].

Ces études demandent à être poursuivies. Le Jardin de santé n’a pas encore livré toutes ses richesses !-, mais elles nous permettent de mieux l’appréhender. Elles nous fournissent des éléments sur son auteur, son éditeur, leurs motivations et les sources utilisées… Eléments que nous rapporterons avant d’en venir concrètement au contenu du volume, de prendre la mesure du travail accompli par l’auteur et de dégager certains échantillons de la vaste palette d’espèces traitées et de remèdes préconisés !…

I.            Le Jardin de santé : présentation, paternité, finalités, date d’édition et sources

Alors ! De quoi s’agit-il ? A qui doit-on ce document ? Quelle en est la date d’édition, puisque assez évasivement, nous avons mentionné une édition vers 1500 ? Quelles sont les sources de cette compilation ?

A.          Présentation physique, collation

Quelle physionomie a-t-il ce Jardin de santé ?...
C’est un volume épais de près de 500 feuillets, imprimé en caractères gothiques sur deux colonnes et abondamment illustré de bois gravés.

Il se découpe en six parties :
-                Le traité des bêtes ou bestiaire ;
-                Le traité des oiseaux ou volucraire[7] ;
-                Le traité des poissons, traité ichtyologique ;
-                Le traité des pierres ;
-                Le traité des urines, enfin.


B.          Paternité du Jardin de santé

1.            l’ « acteur » : Jean de Cuba ?


Le nom de Jean de Cuba n’apparaît pas dans l’ouvrage, mais c’est à lui que l’on attribue généralement le Jardin de santé[8].
Jean de Cuba ou plutôt Johannes Wonnecke von Kaub est un médecin et naturaliste allemand[9]. Il aurait vécu de 1430 environ à 1503-1504[10]. Il est entre 1484 et 1503 médecin de la ville de Francfort[11]. Il est établi que Jean de Cuba est l’auteur du Gart der Gesundheit publié en 1485 à Mayence[12]. Le prologue de ce Jardin de santé en langue allemande indique que le commanditaire de l’ouvrage est le savant Bernhard von Breidenbach, lequel a confié au médecin Jean de Cuba le soin de compiler les grandes autorités médicales anciennes et médiévales. Il réunit 435 chapitres dont la plupart consacrés aux plantes, quelques-uns traitant des animaux, et un petit traité sur les urines, le tout complété par des index croisés.
« Notre » Jardin de santé est quant à lui la traduction fidèle de l’Hortus sanitatis édité lui aussi à Mayence par Jacob Meidenbach en 1491[13]. Il est considéré comme une œuvre indépendante du Gart der Gesundheit, mais il s’en est largement inspiré, pour le plantaire en tout cas. Avec pas moins de 1066 chapitres traitant pour moitié des plantes, mais aussi des animaux terrestres, des oiseaux, des animaux marins, des minéraux, augmentés d’un traité des urines et deux index, il dépasse largement son modèle.
Alors, Jean de Cuba est-il l’auteur de ce document ?
Les avis divergent. Bretagne et Normandie sont en désaccord sur ce point.
Pour Denis Hüe, professeur de langue et littérature du Moyen-Age et de la Renaissance à l’Université Rennes 2 Haute Bretagne, « si l’œuvre s’appuie sur le travail du médecin allemand, elle intègre de nombreuses autres sources, et essentiellement le Speculum Naturale, le Miroir de la nature de Vincent de Beauvais. Même si l’attribution reste généralement faite à Jean de Cuba, aucun indice interne ne nous permet de lui attribuer cette abondante compilation, qui dépasse très largement l’œuvre antérieure, et dont la visée est clairement aussi encyclopédique que proprement médicale. »[14]
Alors que la similitude des méthodes de rédaction des deux œuvres permet aux membres du Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales (craham) de l’Université de Caen Basse-Normandie de conclure que Gart der Gesundheit et Hortus sanitatis ont le même auteur : Jean de Cuba, associé cependant pour l’Hortus sanitatis à l’imprimeur-éditeur J. Meidenbach[15].


2.            Sur Antoine Vérard, éditeur

L’on sait d’Antoine Vérard (1450?-1519?), l’éditeur du Jardin de santé, qu’il a dirigé un atelier où l'on calligraphiait et enluminait des manuscrits de luxe, avant de faire imprimer des livres où l'illustration tient une place essentielle. Son activité d'éditeur parisien, qui s'étend de 1485 à sans doute 1512, est certainement florissante, car il possède aussi un dépôt à Tours et commerce avec l'Angleterre. Il emploie les meilleurs imprimeurs parisiens[16], mais s'occupe sans doute lui-même de la décoration des ouvrages. Sa production dépasse deux cent cinquante éditions (romans de chevalerie, mystères, ouvrages de dévotion, traductions de classiques).[17]
Au regard de ces éléments – la prédilection d’Antoine Vérard pour le livre illustré et la prospérité de son commerce -, l’on comprend mieux qu’il se soit lancé dans une entreprise aussi lourde que celle de l’édition du Jardin de santé.
On peut même aller plus loin et reconnaître à Antoine Vérard une stratégie éditoriale bien pensée. Aucune traduction en français n’existait de la somme naturelle de Vincent de Beauvais, son Speculum naturale, source reprise abondamment par l’Hortus sanitatis, alors que sa somme historique, le Speculum historiale avait déjà fait l’objet avec succès d’une version française. Antoine Vérard avait donc de bonnes raisons de subodorer que la publication du Jardin de santé serait bien accueillie : il répondait à une attente du « public ». Il faut noter aussi que cet éditeur reconnu de livres illustrés savait réduire les coûts en faisant graver des illustrations déjà dessinées pour d'autres éditeurs ou dessinées pour d’autres titres sortis de son atelier… Pratiques qui ont eu cours dans le cadre de l’édition du Jardin de santé[18].

Antoine Vérard ne semble pas s’être trompé en misant sur la traduction de l’Hortus sanitatis. L’Hortus sanitatis, la version latin, a rencontré un vif succès au tournant des XVe et XVIe siècles. Elle a fait l’objet d’au moins sept éditions différentes, imprimées à Mayence, Strasbourg et Venise, entre 1491, date de l’édition princeps et 1536. En outre, diverses versions existent en néerlandais et en anglais[19]. La version française de Vérard a aussi connu un certain succès à son époque, et l’on doit à Philippe Le Noir une réédition parisienne… ou deux, comme le laissent penser les dates d’édition de 1539, mais aussi de 1529 mentionnées par le Catalogue collectif de France (Ccfr)…[20]


C.          Finalités du Jardin de santé

Quel public escomptaient toucher l’auteur et l’éditeur ?

Il est peu probable que, malgré son caractère de Matière médicale, la traduction française ait été destinée à un public de médecins ou d'apothicaires, ces derniers pratiquant le latin et n'ayant nul besoin d'un ouvrage en français. Peut-être s’adressait-elle à des catégories professionnelles subordonnées dans la hiérarchie des métiers de la santé, comme les chirurgiens, les barbiers –professions toutes deux autorisées à administrer des médicaments- ou les sages-femmes ?... Mais était-il financièrement à leur portée… ?
L’auteur avance un argument dans la préface. Il dit être contraint par la charité et déclare souhaiter permettre de se soigner, à ceux qui n’ont pas les moyens de solliciter médecins et apothicaires. L’argument semble fallacieux, puisque ce public désigné n’était certainement pas capable d’acheter l’ouvrage et de le lire. Les motivations de l’auteur et de l’éditeur devaient être ailleurs !...
S’ils s’adressaient sans doute plutôt à un public fortuné, auteur et éditeur ont bien le soucis de transmettre des connaissances qui auront une dimension pratique indiscutable, puisque l’idée directrice qui est mise en avant est celle de l’automédication : la présence d’index des maux à soigner, des « espèces » renvoyant aux chapitres, l’ordre alphabétique adopté dans la présentation des plantes, animaux et minéraux attestent de la réalité de leur volonté d’éditer un livre pratique.
S’il a donc une finalité médicale certaine, le Jardin de santé a d’autre part une visée encyclopédique. C’est particulièrement vrai pour la partie consacrée aux animaux, pour laquelle la visée médicale passe au second plan. Le compilateur tend à constituer un répertoire exhaustif de la nature, prenant en compte la curiosité d’une certaine classe sociale, de même que son goût pour l’illustration. Par ces aspects, par la présence d’exemplaires de luxe, sur vélin ou rehaussés de couleurs, le livre est l’occasion d’une promenade. Traité médical, c’est aussi une encyclopédie et un beau livre à découvrir !

D.          Sur la date d’édition

Aucune date d’édition n’est mentionnée dans le document.
Brunet dans son Manuel du libraire et de l’amateur de livres[21] se contente d’indiquer qu’il est imprimé « vers 1501 ».
L’adresse de l’éditeur, Antoine Vérard, est un indice. Le colophon[22] précise qu’il demeure « en la rue saint Jaques pres petit pont a lenseigne saint iehan levangeliste au palais au premier pillier devant la chapelle ou len chante la messe de messeigneurs les presidens. »


Or, si l’on en croit le biographe Hoefer[23], il demeure à une autre adresse, sur le pont Notre-Dame jusqu’à la chute de ce pont, fin 1499 et s’établit près le carrefour Saint-Séverin. Hoefer indique qu’ « en septembre 1500, on le retrouve rue Saint-Jacques », mais qu’en septembre 1503, il est « devant la rue Neuve-Notre-Dame, où il resta jusqu’à sa mort, en conservant toujours son enseigne à Saint Jehan l’Evangéliste ». Nous pouvons donc estimer que le Jardin de santé a été imprimé après 1499 et avant septembre 1503.
La Bibliothèque nationale de France dispose peut-être d’éléments complémentaires et le date entre 1499 et 1501-1502.
Cette date tardive remet-elle en question son appartenance aux incunables ?
Non, car le réel tournant entre les premiers livres imprimés dont la mise en page se rapproche des manuscrits, et le livre imprimé renouvelé se situe davantage dans les années 1520-1530. Avant cela, on parle de « post-incunables ».
Par ailleurs, le Jardin de santé présente toutes les caractéristiques de l’incunable :
-                l'utilisation des caractères gothiques, proches de ceux de l'écriture manuscrite - en l’occurrence, la lettre utilisée est la bâtarde qui sert pour les textes en langue vulgaire ;
-                l'importance des abréviations et des ligatures[24] ;

-                le texte, assez dense, composé sur deux colonnes et le format in-folio ;
-                l’absence de précision du nom de l’auteur et de la date d’impression ;
-                la présence d’un colophon ;
-                la foliotation (numérotation des feuillets au seul recto) et l’absence de pagination – celle-ci n’apparaît qu’en 1499.
-                la présence de bois gravés, dont le rôle est à rapprocher, dans une certaine mesure, de celui des enluminures médiévales.




E.          Sources du Jardin de santé

Le Jardin de santé, comme d’ailleurs beaucoup de traités médicaux antérieurs, consiste en une succession de citations empruntées aux meilleures autorités depuis l’antiquité, autorités dont il fait une liste non exhaustive dans la préface.

Elles comprennent des autorités antiques, grecques et latines :
- Hippocrate (460-377 av. J.-C.),
- Pline l'Ancien (30-79),
- Dioscoride (env. 40 – env. 90),
- Claude Galien (vers 131- vers 201),
- Palladius (ve siècle).

… des autorités médicales arabes :
- Jean Sérapion (IXe siècle),
- Jean Mésué (IXe siècle),
- Rhazès (IXe-Xe s.),
- Avicenne (XIe s.),
Auxquels il faut aussi  ajouter…
- Constantin l’Africain (XIe s.), moine bénédictin né à Carthage, traducteur et compilateur de textes médicaux arabes.

Les sources médiévales européennes, enfin, sont variées :
- Isidore (Vie-VIIe s.), évêque de Séville,
- Marbode (XIe-XIIe s.), évêque de Rennes,
- Matthaeus Platearius (XIIe siècle), médecin de l’école de Salerne, l’auteur du Livre des simples médecines,
- Vincent de Beauvais (XIIIe s.), savant dominicain,
- Thomas de Cantimpré (XIIIe s.), également dominicain, né près de Bruxelles,
- Albert le Grand (XIIIe s.), frère dominicain, philosophe, théologien, naturaliste, chimiste allemand.
- Matthieu Sylvaticus surnommé Pandectarius, médecin salernitain du XIVe siècle (mort vers 1340),

Il ne faut pas croire que notre auteur avait lu toutes ces autorités. Il a extrait ses citations de compilations antérieures, notamment des encyclopédies datant du XIIIe siècle de Vincent de Beauvais, Albert Le Grand ou Matthieu Sylvaticus[25]. L’Hortus sanitatis -et donc le Jardin de santé- réutilisent abondamment en particulier le Speculum naturale, le Miroir de la nature, de Vincent de Beauvais. Tous les chapitres consacrés aux animaux sont largement repris du Speculum naturale. Le Jardin de santé apporte ainsi la première traduction française, certes partielle et inavouée, de l’œuvre de Vincent de Beauvais ! Ce faisant, notre auteur n’agit pas différemment de ses confrères encyclopédistes…

Selon Bruno Roy, dans un article consacré à Vincent de Beauvais et à Thomas de Cantimpré[26] :
« Au fond il y a un vice de forme dans le processus même de la compilation. Un compilateur est toujours irrésistiblement attiré par d’autres compilations. (…) Quand Vincent a rencontré sur son chemin la compilation de Thomas, ce contemporain et confrère qui montrait autant d’affinités dans ses choix scientifiques, et dont il partageait la sensibilité d’homme du XIIIe siècle, il a « craqué ». Impossible de faire autrement que de l’intégrer massivement à sa nouvelle édition du Speculum. »

Si, enfin, Jean de Cuba n’est pas l’auteur de l’Hortus sanitatis, il faut ajouter une source de cette fin du XVe siècle, au moins pour le « proesme » et le plantaire : le Gart der Gesundheit !

Familiarisés avec l’auteur, l’éditeur, les sources de notre document, plongeons-nous (enfin !) dans son contenu…



II.        Au fil du Jardin de santé : des exemples !

Le Jardin de santé s’intéresse tour à tour aux règnes végétal, animal et minéral. Depuis Pline l’ancien, les espèces les plus légendaires se mêlent, dans les récits, aux espèces réelles. Nous verrons que notre document regorge d’espèces imaginaires. Cependant, certaines espèces existantes, des espèces exotiques surtout, revêtent des caractères tout aussi merveilleux que celles purement imaginaires pour les médiévaux. Face à l’imaginaire et à l’exotisme, on trouve dans le Jardin de santé des espèces mieux maîtrisées par l’homme médiéval, auxquelles il a recours dans le cadre de son alimentation, laquelle est liée à la médecine, et des espèces auxquelles il attribue des propriétés thérapeutiques.



A.          Un Jardin imaginaire 

 

Les espèces imaginaires relèvent surtout du règne animal. On peut néanmoins noter parmi les végétaux, la présence de l’arbre de vie de paradis, et celle d’un « grant arbre umbrageux » que notre auteur nomme « hanfer » ou « hanfor », « soubz lombre duquel, dit-il, ceulx qui y dorment sont peris et meurent ». Peut-être est-il à rapprocher du noyer, qui avait mauvaise réputation et dont on disait qu’il était dangereux de dormir à son ombre, où l’on risquait de contracter un froid qui pouvait s’avérer mortel… superstition qui s’inspire en partie d’un « effet de voisinage » : sous un noyer, le sol est à peu près nu, les feuilles de cet arbre renfermant des substances défavorables à la levée des graines[27].

Le lapidaire fait référence à certaines pierres, certains métaux ou minéraux fabuleux, comme la draconite, pierre extraite de la tête du dragon ou les magnes, pierres localisées sur les rivages des Indes et qui provoquent des naufrages en attirant à elles les clous, et autres pièces composées de fer à bord des navires. Beaucoup de minéraux localisés dans la tête ou dans le corps d’animaux, ou encore produits par eux, comme la ligure, qui se forme, dit-on, de l'urine du lynx, sont mentionnés et paraissent extraordinaires.


Cerastes, cephos, dragon,  draconcopedes, leonthophonos, maricomorion, demuneto, pelu, pégaseL’imaginaire est particulièrement présent dans les trois parties du Jardin de santé consacrées aux animaux qu’ils soient terrestres, volatiles ou marins. Dans la pensée de l’homme médiéval, ces créatures fabuleuses côtoient les animaux réels, et sont considérés comme véritables.

Certaines sont anthropomorphes : centaures, faunes, harpies, onocentaure, animal médiéval mythologique ayant le buste, la tête et les bras humains sur le corps d'un âne.
Il peut s’agir d’animaux au nombre élargi de membres, comme l’hydre qui porte plusieurs têtes.
Mais ce sont les animaux hybrides qui connaissent le plus grand succès, à l’instar du basilic, sorte de dragon à tête de coq ; du leucocrotte, qui a les cuisses du cerf, le cou, la queue et le poitrail du lion, la tête du blaireau et des sabots fourchus ; de la licorne ou du griffon, quadrupède au corps de lion, à la tête, aux ailes et aux serres d’aigle.
Sont également extraordinaires, le caladrius, cet oiseau blanc, capable de deviner si un malade est condamné ou le phénix, dont on connaît les caractéristiques.

Les flots inhospitaliers de la mer sauvage renferment bien des monstres. L’eau est notamment le domaine de léviathan, représenté ici sous la forme d’un quadrupède amphibie aux longues cornes et aux boutoirs de sanglier. C’est aussi celui du poisson-scie (serra), qui au moyen de ses plumes et de sa queue menace les nefs. A citer en outre, tous aussi époustouflants les uns que les autres, un cortège de chevaux de mer, lièvre, loup, porc, vache et veau de mer. On trouve même un moine marin ( !), poisson dont la tête est semblable à celle d’un moine. Bien-sûr la sirène est présente, mais, plus inattendu, le « ziticon » a « quasi la forme d’ung chevalier armé » ( !).



B. Un jardin exotique

Certaines espèces existantes revêtent des caractères tout aussi merveilleux que celles purement imaginaires pour les médiévaux, du fait de leur taille inhabituelle ou de leur exotisme…

Dans le « proesme », l’auteur explique que le corpus iconographique a pu être constitué grâce à un noble seigneur, amené à voyager –sans doûte pour un pélerinage-. Au cours de son périple, il a observé et fait dessiner faune, flore et minéraux, constituant un inventaire exhaustif de la nature du monde. Son circuit est décrit longuement : Europe, Proche et Moyen Orient, Maghreb…[28]. Or, les Arabes utilisaient un grand nombre de drogues inconnues des Occidentaux jusqu’aux croisades et à la traduction des autorités arabes. C’est le cas de l’opium, de l’aloès, de la cannelle ou du camphre. Toutes ces drogues arrivaient d’Asie à Venise, à Gênes et au Portugal et, par l’Italie, parvenaient en France. Employées activement, elles n’en faisaient pas moins l’objet d’un réexamen critique et se voyaient parfois préférer certaines plantes locales d’un usage moins onéreux et plus facile.

Le summum du mystère et de l’exotisme est atteint par la mummie : liquide noir à l’odeur forte, provenant probablement au départ des momies égyptiennes rapportées du lointain Orient par bateaux, cet ingrédient était supposé pouvoir contribuer à guérir de nombreuses maladies. Il en est de même du bitume (de Judée) qui servait lui aussi à la conservation des momies.
Peut être mentionnée la mandragore –femme ou homme-  Ce nom s’appliquait à une plante distribuée en région méditerranéenne (sud de la Péninsule ibérique, et du sud de l’Italie à la Grèce ; fréquente au Proche-Orient). Elle doit à sa racine anthropomorphe l’aura unique de magicienne qui l’entoure. Charnue et ramifiée, cette racine simule parfois un être humain miniature avec bras et jambes. Le regard ancien sur le végétal y voyait une ébauche humaine à mettre au compte des puissances génératrices souterraines, au combien redoutables.[29]

Citons aussi le chapitre consacré au « zua » ou « muza » :
« Muza est le fruict de paradis ainsi que dient auc[u]ns en lequel mangeât pecha adam. Mais les autres dient plus véritablement que il pecha en la figue. » L’auteur veut-il dire qu’Adam s’est laissé tenter non par une pomme, mais soit par une figue, soit par une banane ? Il doit en effet faire allusion au genre Musa, de la famille des Musaceae dont les fruits, en général, sont les bananes !
« On dit q[ue] muza croist en Babiloine » continue-t-il. Les bananiers étaient peut-être présents dans les jardins de Babylone. On sait qu’ils croissent depuis longtemps en Asie (en Inde, puis en Chine). Et ce n’est qu’au gré des expéditions maritimes qu’on les retrouve en Amérique du Sud et aux Antilles.
Si les Anciens en connaissaient l’existence, la banane n’est introduite en Europe par les Portugais qu’au XVIIIème siècle, et ne commence à être largement présente sur les marchés de France qu’à partir du XIXème siècle… ce qui explique la représentation bien approximative qu’en fait le Jardin de santé.

Un chapitre du traité des herbes ( !) est consacré aux algues dont l’illustration est la encore peu fiable !
« La vertu de l’algue est semblable à celle du sel. Elle profite à ceux qui soufrent depuis longtemps de dissenterie (…) à ceux qui sont malades de goute en la hanche. »


Dans le règne animal, éléphant, mais aussi cirogrillus, un grand hérisson, et fourmis géantes devaient émerveiller l’homme médiéval du fait de leur taille. Le bestiaire, qui dédie son premier chapitre à l’homme, en consacre un particulier aux pygmées. L’exotisme, l’étranger étonne. Les illustrations représentant le caméléon, la mygale, le scorpion… attestent de la méconnaissance de ces espèces par le dessinateur ! Les milieux aquatiques sont particulièrement mal connus pour l’homme du Moyen âge qu’ils effraient : baleine, représentée avec un buste d’homme, de même les dauphins, le lion de mer, représenté comme un lion terrestre mais pourvu d’écailles, le crocodile, la tortue, l’ypotanie – dont la description correspond à l’hippopotame- semblent peu familiers de l’illustrateur.

Outre une taille hors du commun, la multiplicité des couleurs pouvait conférer un caractère merveilleux à un être ou à un objet. C’est le cas de l’exacontalitus, pierre que l’on trouve sur une île des Indes, et qui n’a pas moins de soixante couleurs...


C. Un jardin nourricier

Nous l’avons vu, le Jardin de santé a à la fois un contenu pharmacologique et un contenu diététique. Certains chapitres sont consacrés à des mets qui entrent dans l’alimentation de l’homme médiéval.

En un temps où les famines sont fréquentes, et où le normal frise toujours la disette, la connaissance des plantes comestibles sauvages fait partie des savoirs indispensables à la survie. Ainsi, en cas de nécessité, peuvent être consommés la mauve, les petits fruits rouges de l’aubépine, la bourrache, l’amarante queue-de-renard, ou les glands, qui « décortiqués et bouillis dans plusieurs eaux (…) perdent plus ou moins leur âpreté et font des bouillis passables » et « séchés et réduits en farine » pouvaient être «  mêlés au pain ».

Passons en revue les catégories d’aliments qui, en dehors des périodes de disette et, pour certaines des jours maigres, étaient consommées par l’homme de Moyen âge…
- Toutes les sortes de céréales, blés, orge, seigle, avoine, constituaient l’élément essentiel de la nourriture, sous la forme de pain, mais aussi de bouillies, de gâteaux. Le froment et autres variétés de blé étaient les plus appréciés non seulement comme nourriture, mais aussi comme de véritables médicaments.
Un chapitre traite d’une céréale plus exotique : le riz.

- Les légumineuses, comme les pois étaient aussi très consommées.

- Les légumes, peu appréciés, étaient en tout cas bien cuits, car soupçonnés sinon de provoquer des troubles.
L’oignon était très controversé, mais néanmoins consommé.
Il en était de même pour l’ail, préconisé par ailleurs comme remède dans de nombreuses maladies : peste, hypertension, rage, empoisonnement, etc., à tel point qu’il avait été surnommé « thériaque des paysans » (Par opposition à la thériaque, médicament supposé universel dont l’élément essentiel était l’opium et qui était plus difficile d’accès et plus coûteux). Il est vrai que l’ail était « un mets dont les vilains usent souvent et les nobles guère ». Ses multiples qualités sont toujours reconnues de nos jours.
Chou et poireau étaient également controversés.
Par contre, selon Pline, les asperges passent « pour un des aliments les meilleurs pour l’estomac. Du moins avec addition de cumin (…)!
La blette était recommandée.

Un chapitre –un seul- traite des champignons, qui étaient consommés.


- Les fruits étaient rarement conseillés crus, mais ils entraient dans de nombreuses préparations, les figues et le raisin en particulier.
Platearius précise que « Les figues et les raisins nourrissent, mais rendent la chair plus enflée que ferme. »
Les poires rentraient dans la composition de l’antidote à utiliser en cas d’ingestion de champignon vénéneux.

- Au Moyen Age, les épices, comme le gingembre et le cumin, servent à faciliter la digestion et non à masquer un goût de viande faisandée.

- Les herbes aromatiques cultivées dans les jardins des simples entraient dans de nombreuses médecines, mais leurs vertus trouvaient également leur utilité dans l’alimentation.
Par exemple, « On fait des sauces excellentes avec le persil domestique : l’herbe cuite avec les aliments en facilite la digestion tout en éliminant du ventre les ventosités. »

-                L’homme médiéval mangeait aussi des fleurs, comme la violette.


Il est inutile de chercher dans notre document, arachide, cacao, café, coton, haricot, pomme de terre, maïs, palmier, papaye, piment, poivron, tomate, tournesol, topinambour, tabac… ils sont encore inconnus des Européens. Ils viendront plus tard du Nouveau Monde… et seront à la base d’une grande révolution alimentaire mondiale.
Parallèlement, un seul animal sera transféré vers l'Europe : le dindon.


Certains chapitres du plantaire, plus inattendus, sont consacrés…
à la manière de faire du beurre, aux différentes variétés de viandes, à la fabrication des fromages, au lait, à la cire d’abeille ou au miel !...
Jusque vers le XVIe siècle, le beurre était plutôt consommé par le peuple et peu apprécié dans la cuisine des nobles. De plus, il faisait partie des aliments interdits par l’Eglise pendant les jours « maigres » : vendredi, carême, etc., soit plus de 100 jours par an !
La plupart de nos fromages actuels sont connus au Moyen Âge. Le brie en particulier est vendu dans les rues de la capitale. En raison des nombreux échanges commerciaux entre la France et l’Angleterre, sa renommée et son commerce dépassent les limites de la France.
Le manuscrit anglais The form of Cury donne la recette d’une tourte au brie.[30]
« (…) le problème de conservation du lait se pose et se posera jusqu’au XVIIIe siècle, on ne peut pas le garder plus d’une journée. » Il faut faire bouillir le lait, la nature du récipient qui le contient est importante : il ne doit pas être en cuivre ou en airain. La consommation du lait étant interdite en période de carême, il est remplacé par le lait d’amande pour les jours maigres et même pour les jours gras.[31]


Quelles viandes consommait  l’homme médiéval ?
-                De viande de grosse boucherie : bœuf, porc, veau, mouton
-                Des triped
- des volailles : chapon particulièrement prisée, poulet, oie mets de choix
- Notons qu’un chapitre est consacré aux œufs.
« Au Moyen Age, chaque paysan a son enclos avec des « gélines » (poules), un ou plusieurs coqs, chaque château a une basse-cour, dans les villes de nombreuses maisons ont des jardins avec des poules. La consommation d’œufs est très importante, l’œuf étant un aliment moins cher que la viande ou le poisson. »
- du gibier ou venoison à plume (pluviers, bécasses, perdrix, pigeons), à poil (cerf, sanglier tous deux très prisés, lapin et lièvre)
-                Des viandes que nous ne consommons plus aujourd’hui : cygne, paon, cigognes, hérons, outardes, grues, ou cormorans.

Au nombre des poissons consommés par l’homme médiéval, on trouve l’anguille, un des poissons les plus consommés, la lamproie, l’alose (de la famille de la sardine et du hareng), le brochet particulièrement apprécié, la carpe très populaire, les plies, et limandes, les truites qui étaient aussi estimées.


Le Jardin de santé ayant une visée encyclopédique, il recense un grand nombre d’espèces indigènes qui n’ont ni emploi alimentaire, ni vertu thérapeutique. De même, il traite pour le règne minéral des pierres précieuses et fines, des gemmes organiques, des métaux, des terres, auxquels l’homme médiéval reconnaît parfois des bienfaits pour la santé…



D. Un jardin thérapeutique

La pharmacopée médiévale est évidemment d’efficacité contestable.
En ce qui concerne les plantes indigènes, beaucoup considérées alors comme des panacées, n’avaient pourtant qu’un faible pouvoir thérapeutique, comme l’angélique et la bétoine. Par contre, des plantes réellement efficaces, comme l’aconit, n’avaient pas d’emploi thérapeutique, étaient peu appréciées ou mal utilisées.
Nous l’avons vu, les drogues orientales étaient importées et employées activement, mais avec suspicion et se voyaient parfois préférer certaines plantes locales.[32]
Pendant plusieurs siècles, et jusqu’au XIXe siècle, la médecine savante puis la médecine populaire font de la théorie des signatures un élément de leur raisonnement thérapeutique.
C’est ainsi que le corail, rouge, est considéré comme un excellent hémostatique. Les plantes à fortes épines sont bonnes contre les piqûres de serpent, tandis que l’arum, la renoncule, les persicaires qui ont des taches, guérissent les taches du corps…
Le sexe de la plante n’est pas non plus à négliger. En effet, comme la femme est considérée comme plus faible que l’homme, ce sont les herbes femelles qui lui conviennent. Le chou pommé, le melon, parce qu’ils ressemblent à une tête humaine sont censés combattre les maux de tête.
Certains remèdes préconisés se sont néanmoins avérés véritablement efficaces…




Je vous donne tout-de-suite quelques remèdes… tout « simples » :
-                la chélidoine, qui guérit (parfois) cors et verrues simplement en les frottant avec son suc jaune, sans qu’il soit besoin de « jeter la plante par-dessus l’épaule, sans se retourner »
-                le plantain est quant à lui efficace contre les piqûres d’orties ou d’insectes.
- Par ailleurs « respirer par le nez des roses sèches conforte le cerveau et le cœur et fait revenir les esprits » (Platearius).
- Un axiome de Salerne dit à propos de la sauge, investie d’une quyrielle de dons : « Pourquoi mourir si l’on a de la sauge dans son jardin ? » (folio ccvii)


On trouve cinq grandes catégories de simples, correspondant aux grands thèmes des pharmacopées du temps[33] :


1. Les simples des fièvres et des refroidissements

La médecine ancienne considère l’élévation de température comme une maladie à part entière et non comme un symptôme. Sous le terme générique traditionnel de « refroidissements » sont entendues les affections de la gorge et des voies respiratoires. »
La saule et l’épervière piloselle sont des fébrifuges, tandis que la guimauve, « mauve blanche » est un remède très courant de la toux.


2. Les « plantes des femmes »

Alors que le domaine gynécologique et obstétrique restera longtemps du seul ressort des femmes elles-mêmes, les pharmacopées font une large place aux remèdes féminins.
Exemple de « plantes des femmes » : l’armoise, remède de base des troubles douloureux associés au cycle menstruel ; la mélisse, appelée aussi l’herbe des jeunes filles était également préconisée

  
3. Les plantes vulnéraires

…c’est-à-dire les remèdes cicatrisants, ceux qui arrêtent les hémorragies, désinfectent et font évoluer favorablement les plaies, comptent « La grande consoude (consolido : je répare), qui par sa racine riche à la fois en tanin et en allantoïne (substance qui stimule la multiplication cellulaire), est une remarquable cicatrisante (…) ; et millepertuis.

  
4. Les évacuants et les purges

Pour rétablir l’équilibre entre les humeurs, on avait recours à des purges souvent suspectes, voire toxiques.
Mais il y a aussi des « évacuants » plus doux comme le polypode et les diverses mauves et guimauves. »


5. Les plantes des « maux de ventre » 

Comme les fièvres, les « maux de ventre » sont bien mal appréhendés par la médecine médiévale.
Un des remèdes préconisés est l’armoise. « L’armoise qu’on prend pour la « douleur des boyaux » peut calmer une indigestion avec spasmes mais n’aura aucun effet sur un mal plus grave. ».

« Panacée des maladies des voies digestives au Moyen-Age, la grande aunée, ancienne énule campane, a longtemps été cultivée dans les jardins pour sa racine aux propriétés toniques, antispasmodiques et vermifuges. »

Peu de drogues animales semblent avoir été utilisées au Moyen Age. Après le XIIIe siècle cependant, sont empruntés au règne animal la vipère, le lézard, la corne de bœuf, la poudre de momie, le musc, la corne de cerf. Les mollusques pulvérisés fournissent la chaux. Les animaux marins, l’iode, employé à Salerne contre le goitre. Les bézoars sont bien connus de nos jours, grâce à Mrs. Rolling et à un des personnages d’Harry Potter, le professeur Rogue qui est amené à interroger le jeune héros sur la localisation et les propriétés de cette pierre particulière. Il s’agit en fait de concrétions pierreuses qui se forment dans l’estomac de certains animaux et auxquelles on attribuait la propriété de neutraliser les poisons. Empruntés aux pharmacopées arabe et persane, ils font leur apparition au XIIe siècle.



Nous ne trouverons pas dans le Jardin de santé la célèbre thériaque, qui n’est pas un simple, mais un composé.
Il faut aussi rappeler les sangsues (folio l), qui connaîtront jusqu’au milieu du XIXe siècle une vogue constante.


Le règne minéral  représente une part non négligeable de la matière médicale. Depuis les Mésopotamiens et jusqu’au XVIIIe siècle les pierres précieuses y jouent un rôle important. Il faut y ajouter les sels de mercure, les sels de fer, l’acétate de plomb et de cuivre, le soufre, l’alun, l’arsenic, les terres médicamenteuses, le sulfate de fer, etc.

L’agathe trompe la soif et est bonne pour la vue.
Le saphir rajeunit le corps, met à l’abri de l’erreur, rassure les âmes craintives et apaise les colères du ciel.
Le béryl est utilisé contre les troubles du foie.
L’améthyste  évite l’ébriété, le corail fait fuir les monstres...

Les alchimistes envisageait un remède radical contre toute maladie : la pierre philosophale. Ils prêtaient à celle-ci des vertus thérapeutiques extraordinaires : elle devait engendrer rajeunissement et immortalité. Leur soucis était de parvenir à dissoudre la pierre et à la rendre assimilable par l’organisme.

Le Jardin de santé préconise, pour ne plus faire de mauvais rêve et être plus vaillant, de porter au cou ou au bras un rubis.[34]

A noter aussi, même si nous nous éloignons du domaine thérapeutique, selon Dyascoride, quant on porte du béryl, dont l’émeraude est une variété, il « fait et donne amour en mariage ».

Si beaucoup de prescriptions font appel à une pensée symbolique ou magique, il n’en reste pas moins que de nombreuses recettes sont parfaitement cohérentes et efficaces.



En conclusion…
 Le Jardin de santé n’apporte pas à son époque de nouvelle information scientifique, car tous les savoirs avaient déjà été rassemblés dans les encyclopédies composées au XIIIe siècle. Il faudra attendre les écrits de Paracelse ou les grands traités zoologiques du milieu du XVIe siècle, comme celui de Pierre Belon pour qu’il y ait évolution, révision de l’information scientifique. La pensée médicale ne progresse même réellement qu’au XVIIe siècle avec la découverte des lois de la circulation sanguine par le médecin anglais William Harvey et de celles de la circulation lymphatique par le Français Jean Pecquet…
Le Jardin de santé constitue au moins une bonne synthèse des savoirs scientifiques à l’aube de la Renaissance… et tant par le texte que par le riche corpus iconographique nous plonge dans l’esprit de l’homme médiéval.



[1] Hüe Denis. Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002) / Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.). Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, p. 190.
[2] Le programme de ces journées d’étude est consultable en ligne : http://www.unicaen.fr/mrsh/craham/revue/tabularia/pdf/Programme_Hortus_sanitatis.pdf.
[3] Hüe Denis. Le Jardin de santé de Jean de Cuba : une encyclopédie médiévale tardive et sa réception, in Bernard Baillaud, Jérôme de Gramont, Denis Hue (éd.), Discours et savoirs : Encyclopédies médiévales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, “Cahiers Diderot”, 1998, pp. 173-199.
[4] Robert David. Édition de la partie volucraire du Jardin de Santé, mémoire de maîtrise, Rennes, 1996.
Colnot Stéphanie. Édition du traité sur les plantes, du Prohesme au chapitre de l'erbe appellee arthemisia de l'Ortus sanitatus translate de latin en François, mémoire de maîtrise, Rennes, 1998.
[5] Hüe Denis. Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002) / Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.). Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, pp. 187-203.

[6] Merci à Fabien qui a pris les photographies contenues dans cet article !
[7] « Volucraire, subst. masc.,hist. de la litt. Ouvrage médiéval généralement en vers, traitant des oiseaux et contenant des réflexions morales ». Déf. du Centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL), créé en 2005 par le CNRS. Disponible sur http://cnrtl.fr/
[8] Catalogue général des livres imprimés de la bibliothèque nationale : auteurs. Paris, Imprimerie nationale, 1908. Tome XXXIV : Crest – Czyszkowski, col. 538.
[9] Hoefer. Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Paris, Firmin Didot frères, 1856. Tome 12, col. 574.
[10] Selon Hirsch August. Cuba, Johannes von. Allgemeine Deutsche Biographie  (ADB). Band 4, Duncker & Humblot, Leipzig 1876, S. 637. Cité par Wikipédia.
[11] Hüe Denis, Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.), Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002), Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, p. 187.
[12] Notice de la Bibliothèque nationale :
Gart der Gesundheit [Texte imprimé]. Mainz  : Peter Schöffer, 28 III 1485 .- [360] ff. non signés [a-z8, A-T8, V-X4, Y-Z8], ill.  ; in-fol.
Ouvrage compilé ou rédigé par Johannes de Cuba = Johann Wonnecke von Kaub, cf. "Verfasserlexikon", II, 1980, col. 1072-1092 379 gravures sur bois, certaines par Erhard Reuwich Lettre-préface de Bernhard von Breidenbach et Peter Schöffer. 
[13] [CUBA Joanne de]. Hortus sanitatis. Moguntiae, Jacobus Meydenbach , 1491 .- In-fol.
[14] Hüe Denis, Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.), Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002), Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, p. 188.
[15] « (…) l’analyse complète du De piscibus et des tests conséquents réalisés sur les autres livres de l’Hortus sanitatis nous permettent de reconnaître une même main qui a appliqué avec beaucoup d’habileté et de pragmatisme les mêmes méthodes de «rédaction» tout au long de son travail: empruntant exactement la méthode suivie par le rédacteur du Gart der Gesundheit, l’auteur de l’Hortus sanitatis a rédigé une compilation entièrement nouvelle à partir de deux sources principales, cette fois latines, qu’il a su abréger et combiner avec efficacité : le Speculum naturale de Vincent de Beauvais et les Pandectes de Mattheus Silvaticus. Le choix de ces deux œuvres était tout à fait judicieux, car elles lui fournissaient de la matière déjà compilée et, surtout, leur structure lui permettait de faire illusion. Ces éléments nous amènent à penser que le rédacteur du Gart der Gesundheit et celui de l’Hortus sanitatis ne sont qu’une seule et même personne : Jean de Cuba, mais qui s’est associé, pour composer l’Hortus sanitatis, à l’imprimeur-éditeur J. Meydenbach. »
Gauvin Brigitte, Jacquemard Catherine, Lucas-Avenel Marie-Agnès. Emprunts, compilation et réécriture dans l’Hortus sanitatis [en ligne]. Schedae, 2011, prépublication n° 1, p. 3. Disponible sur :
[16] Jean Dupré, Pierre Levet, Pierre Le Caron, Jean Maurand, Pierre Le Rouge.
[17] LABARRE Albert. Vérard Antoine (1450?-? 1519), in Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 avril 2013. Disponible sur :  http://www.universalis.fr/encyclopedie/antoine-verard/

[18] Antoine Vérard a réutilisé par exemple le dessin de gravures de l’Hortus sanitatis comme base pour les bois gravés du Jardin de santé. Un même bois gravé a pu également servir à illustrer plusieurs chapitres du Jardin de santé. C’est le cas par exemple des tonneaux de miel et d’huile d’olive qui sont très semblables ! De même le lait et le bitume, ou encore le rhododendron et la rose !
[19] « Le catalogue de la BnF mentionne trois éditions sans date de J. Grüninger, dont une postérieure à 1500, une édition vénitienne « per Bernardinum Benalium et Joannem de Cereto de Tridino alias Tacuinum », 1511, une nouvelle édition de J. Grüninger, datée de 1517, deux éditions strasbourgeoises : Renatus Beck, 1517, M. Apiarium, 1536. Brunet, qui cite Hain, mentionne deux éditions allemandes, Sorg, Augsburg, 1485, et une de Lübeck, 1492, « en bas saxon ». On peut aussi mentionner d’après le catalogue de la bibliothèque du Congrès Strassburg : Johann Prüss, 1509 ; Ulm : Konrad Dinckmut, 1487 ; Utrecht ? Gheprent bi J. van Dossborch, 1532, avec Arnaud de Villeneuve ; ainsi qu’une version néerlandaise Antwerpen, Gheprint bi C. de Graue, 1514. Pour la version anglaise, cf. Noel Hudson, An Early English Version of Hortus Sanitatis : A récent Bibliographical Discovery Quaritch 1954. »
Extr. de Hüe Denis. Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.), Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002), Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, pp. 188.
[20] Le Catalogue collectif de France (CcFr) répertorie neuf exemplaires de l’édition d’Antoine Vérard et douze exemplaires de celle(s) de Philippe Le Noir.
[21] Brunet Jacques-Charles. Manuel du libraire et de l’amateur de livres… Paris, chez Silvestre, 1842. Tome II, p. 648.
[22] « Note finale d'un manuscrit ou d'un incunable fournissant les références de l'ouvrage et les indications relatives à sa transcription ou à son impression. Mod. achevé d'imprimé (…). » Déf. du Centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL), créé en 2005 par le CNRS. Disponible sur http://cnrtl.fr/

[23] Hoefer. Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Paris, Firmin-Didot, 1877. Tome 45, col. 1093-1094.
[24] « Caractère représentant plusieurs lettres en un seul signe graphique. » Déf. du Centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL), créé en 2005 par le CNRS. Disponible sur http://cnrtl.fr/
Exemples de ligatures dans le Jardin de santé : « sãté » pour « santé ».
[25] Voir Gauvin Brigitte, Jacquemard Catherine, Lucas-Avenel Marie-Agnès. Emprunts, compilation et réécriture dans l’Hortus sanitatis [en ligne]. Schedae, 2011, prépublication n° 1, p. 1 - 21. Disponible sur : http://www.unicaen.fr/puc/ecrire/preprints/preprint0012011.pdf
Hüe Denis. Le Jardin de santé de Jean de Cuba : une encyclopédie médiévale tardive et sa réception, in Discours et savoirs : Encyclopédies médiévales / Textes rassemblés et édités par Bernard Baillaud ; Jérôme de Gramont ; Denis Hue. Presses universitaires de Rennes, 1998, 199 p. (Cahiers Diderot ; 10). Disponible sur : http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/cd10/Hue.pdf
Hüe Denis. Le Jardin de Santé de Jean de Cuba, dans la traduction faite par A. Vérard autour de 1500 : notes sur le lapidaire, in Le bestiaire le lapidaire la flore : actes du colloque international (Université McGill, Montréal, 7-8-9 oct. 2002) / Giuseppe Di Stefano, Rose M. Bidler (éd.). Montréal, Editions CERES, “le moyen français : revue d’études linguistiques et littéraires fondée par Giuseppe Di Stefano”, 2004-2005, p. 187-203.
[26] ROY Bruno. La trente-sixième main : Vincent de Beauvais et Thomas de Cantimpré. Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Âge : Actes du XIVe colloque de l’Institut d’études médiévales, organisé conjointement par l’Atelier Vincent de Beauvais (A.R.Te.M., Université de Nancy II) et l’Institut d’études médiévales (Université de Montréal) 27-30 avril 1988 / Monique Paulmier-Foucart, Serge Lusignan, Alain Nadeau dir. Saint-Laurent : Maison Bellarmin : Paris : Vrin, 1990. p. 250.

[27] Lieutaghi Pierre. Jardin des savoirs, jardin d’histoire : suivi d’un glossaire des plantes médiévales. Les Alpes de lumière, 1992. p. 32-33.
[28] « Et aussi non pas moins m'a esmeu a ceste chose aggreger mais tres grandement aucun noble seigneur : lequel en allant par divers royaulmes et diverses terres, c'est assavoir : Allemaigne, Ytalie, Hystrie, Salvonie, Croatie, Dalmacie, Grece, Corfonie, Moree, Candie, Rhodes, Cyprie, et la Terre saincte avec sa cité de Hierusalem ; et de la en allant en la Petite Arabie vers la montaigne de Synay. Et de la montaigne de Sinay vers la mer Rouge, Alcayr et Babiloyne, par Alexandrie jusques en Egypte, a prinse grande experience des souvent dictes herbes, bestes, pierres, et autres choses a la confection des medicines necessaires et incongneues par leur rareté. En escrivant leurs vertus et leurs semblances et similitudes soubz figures convenables et par certaines couleurs a procuré faire leur semblance. Toutes lesquelles et chascune d'icelles soubz forme, figure et couleur deuëz et par ordre exquis tu trouveras despaintes en ceste presente euvre. »
[29] Lieutaghi Pierre. Jardin des savoirs, jardin d’histoire : suivi d’un glossaire des plantes médiévales. Les Alpes de lumière, 1992. p. 101.
[30] Marty-Dufaut Josy. Le mesnagier de Paris : la cuisine médiévale à la fin du XIVe siècle recettes d'après le manuscrit. Bayeux : Heimdal, 2009, p. 15.
[31] Ibid.., p. 14.
[32] Imbault-Huart Marie-José, Dubief Lise, Merlette Bernard (Abbé). La médecine au Moyen Âge à travers les manuscrits de la Bibliothèque Nationale. Paris : Editions de la Porte Verte : Bibliothèque Nationale, 1983, p. 129.
[33] Classification établie par :
Lieutaghi Pierre. Jardin des savoirs, jardin d’histoire : suivi d’un glossaire des plantes médiévales. Les Alpes de lumière, 1992

[34] « Est la minière de ceste pierre es terres de Orient. (…) Si aucun lye ceste pierre a son col ou a son bras et il la porte il ne verra point de nuyt de mauvais songes ne aussi paoureux. Et se celluy qui regardera au soleil tant que sa veue est débilitée touche avecques icelle ses yeux et elle luy conviendra. Et quant cette pierre est frottée aux cheveulx de la teste elle attire les festus et pailles ainsi que fait la pierre magnes le fer. »

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